Nouvelle Plage, Nouvelle Page !
Je l’ai découverte en août, cet été.
À l’abri des regards et de la chaussée,
Elle est au loin, par les dunes cachée.
Au bout d’un chemin de randonnée.
Le soleil au rendez-vous et amusé,
Se tient devant moi tout illuminé.
Des bunkers en ciment peinturlurés
Résistants vestiges du temps passé,
Se dressent, imposants et fortifiés
Sur cette immense plage dorée.
À marée descendante, la mer s’éloigne
Le sable laisse apparaître les coquillages
Et moi j’adore les regarder et les ramasser
Je veux tous les photographier et les sauver,
Avant qu’ils ne soient ébréchés ou cassés.
Me promenant sans me presser,
je me surprends à me parler.
À voix haute et assurée,
Comme une histoire racontée.
Je parle à cet ami, caché
invisible et muet à mes côtés.
Toi mon ancêtre !
Toi aussi sur cette plage tu es passé.
Je marche sur tes pas aujourd’hui effacés
Pieds nus, c’est difficile d’avancer
Car on s’enfonce dans ce sable mouillé.
Quand j’y pense, toi aussi tu étais pieds nus ?
Mais tu avais tes galoches ou tes sabots en plus !
Moi, j’ai mon simple sac de plage au dos.
Toi, tu avais tout ton barda, bravo,
Mais quel poids cette charge en trop.
Ton fusil en prime, que tu devais lever très haut
Pour ne pas, comme tes pieds, le mouiller trop.
Quand je pense à toi, je suis triste et je me dis,
Que moi, ici, j’ai de la chance aujourd’hui.
Ma seule préoccupation est de vivre,
De ramasser des coquillages vides.
D’ailleurs tu les as sûrement vus, toi aussi ?
En rampant sur le sable tout froid la nuit.
Tu étais avec tes camarades, clapi
Dans les dunes, près des chars kakis
Ou dans un de ces bunkers sombres blottis.
Attendant le combat et les ordres définitifs.
Dormir un peu, peut être, puis repartir.
Tu as laissé des traces indélébiles
Quand tes camarades et tes complices,
De tranchées embarqués et unis
et toi mon aïeul avez tous perdu la vie.
Aujourd’hui près des blockhaus salis,
Je pense à toi, eux aussi sont tristes.
Ils trônent seuls depuis des décennies.
Plus personne n’y habite ni ne les utilise.
Mais ton âme y est restée, avec tes amis.
C’est pour cela, je viens de saisir,
Je sais maintenant ce que j’écris,
Et surtout, pourquoi je suis venue ici.
En marchant sur tes pas, ultra sensibles
Toi, mon très cher ancêtre invisible.
en scrutant une vague ou l’horizon bleuté,
Sur un coquillage ou le sable d’eau salée ?
Quand d’un coup ta tête est tombée,
Quand ton corps s’est peu à peu réchauffé,
Petit à petit, c’est là, que la vie t’a quittée.
Il ne reste aujourd’hui que mes pas enfoncés,
Car les tiens sont bien loin effacés,
Enfouis un peu plus à chaque marée passée.
Il y a parfois des remontées d’obus chargés,
Ils reviennent en surface, au fil des années,
Mais pas toi, toi, jamais tu n’es rentré.
Je me suis probablement baignée, là où tu es passé,
Toi, fils parfois oublié, tu as donné ta vie sans rechigner
Sans savoir, pour qui, alors aujourd’hui je te le dis :
“Pour moi” et pour tant d’autres tu es dans nos livres.
Dans nos mémoires et dans nos racines.
Maintenant je ne suis plus triste, depuis que j’écris
Ce sont tes paroles qui résonnent, qui m’incitent,
Toi le conquérant, brave soldat de ma famille.
De toutes ces guerres, de ces combats, ce gâchis
Oui, d’ailleurs laquelle, la grande ou la petite ?
Toi qui me parles en pensées depuis midi,
Quand j’ai posé les pieds, mon sac et mes cliques.
Au milieu de ces vestiges du temps jadis
Souvenirs de guerre et de la dynamite,
Quand tout n’était que sang, poudre et bruit.
Toi qui as rejoint les sirènes et les anges du paradis
D’où tu m’envoies tes messages les plus sages jusqu’ici.
J’ai foulé ton passé pour un avenir de nouveau gravé
Au milieu des sentiers, des dunes et des marées.
La mer est partie, les coquilles de crustacés sont restées.
Moi qui adore les ramasser, j’ai trouvé plusieurs variétés,
Je ne les avais pas encore collectionnés, beaux et très colorés.
Je regagnais doucement le chemin du retour sans me presser
Quand tout à coup, j’aperçus marchant les pieds mouillés
en me dirigeant vers les escaliers pour rentrer,
Des milliers de « couteaux » vides, agglutinés, amassés.
Je ne peux m’empêcher de penser et de comparer.
Que le message est clair, hallucinant de vérité !
« tiens, une mare aux couteaux ? »
À cet instant où sort le dernier mot troublé
Là, je m’arrête bouche bée, je suis enchantée !
Quelle belle fin, quelle belle parodie terminée,
Ces armes révoquées, là, vides abandonnées.
Aux pieds des blockhaus et des ruines abîmées
De la guerre oubliée, des couteaux déposés.
Comme un acte épuisé après tant de vies retirées.
Une fin, une image symbolique un tableau érigé
En mémoire des soldats sur ce sol, débarqués.
Une plage déserte il ne reste aujourd’hui
Que pour seuls vestiges des armes fictives,
Et des débris dispersés d’un chaos inutile.
Mon histoire n’est pas triste
Elle a seulement été écrite,
En mémoire d’un ancêtre parti
Il m’a juste, cet après-midi soufflé à l’ouïe
Ces quelques vers, pour vous mes amis
Pendant que je foulais dévêtue, néophyte,
Le sable de cette plage oubliée, qui jadis
Fut témoin de scènes spectaculaires, héroïques
Avec des acteurs glorieux, courageux et novices.
Oh plage, paisible rivage emblématique
Qui a survécu à toutes ces tristes tragédies
Toi qui a vu tant de vies fouler ta rive,
Aujourd’hui, c’est avec un large sourire,
Légère et fière que je te quitte, grandie.
J’ai entendu toutes ces âmes enfin libres,
Elles m’ont chanté leur bonheur d’être libres,
Et chuchoté des mercis d’être dans les livres,
Là où elles peuvent comprendre et lire
L’histoire et toutes leurs batailles ivres
Sans désespoir aucun, de leurs guerres finies.
Elles m’ont toutes dit : “Merci d’avoir écrit”
En leurs mémoires et pour leurs familles,
Sur leur passages sur cette plage et ici,
où se termine cette page de mon récit,
et où a commencé une guerre héroïque
Que tous ces hommes ont menées, intrépides,
Sans savoir qu’ils y laisseraient, sans doute tous, leur vie.
4 Commentaires
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sensibilité, émotion, une page de notre passé ourle le sable de cette plage. Bravo Constance
les mots coulent comme un ruisseau en crue !
compliments pour l’hommage à ces jeunes gens venus mourir pour défendre un idéal et bravo pour la qualité des photos
Je n’ai pas de mots assez forts pour exprimer ce que je ressens à la lecture de tes textes et à la vue de tes très belles photos choisies avec soin et goût. Je suis émerveillé devant tant de poésie exprimée envers la nature, tu maîtrise si bien les mots et les sentiments ressentis que s’en est une réelle et vraie invitation à la rêverie et à la découverte. Tout ceci reflète très très bien ta belle personnalité et tes convictions profondes et sincères envers la beauté envers la nature et les événements marquants qui ponctuent ta vie et ce qui t’entoure. On ressent beaucoup de sensibilité et d’émotion quand tu t’exprimes sur des sujets variés et divers. Continues à nous faire rêver, ne cesses jamais d’aller plus loin pour découvrir et faire découvrir à ceux qui n’ont pas la chance de voir ce que tes yeux voient. C’est magnifique.
Joël a tellement tout bien écrit…
Que je n’ai plus rien à ajouter,
Bravo continue !
La Bertrésienne